Ridge Vineyards, l’un des domaines phares de la Californie, un modèle de rigueur et de régularité en termes de qualité et de caractère, annonce le départ en retraite de son directeur légendaire, Paul Draper, à l’âge de 80 ans, presque 50 ans après son arrivée en 1969.
Une sommité dans le monde du vin.
Draper restera comme l’un des personnages les plus respectés et appréciés du monde du vin, comme en atteste la flopée de prix décernés à ce bel homme fin et intelligent: l’homme de l’année 2000 pour le magazine britannique Decanter, Winemaker of the Year 2000 pour le magazine américain Food & Wine, Wine Award Life Achievement attribué en 2005 par le magazine allemand Wein Gourmet, Personnalité de l’Année, Les Grand Prix du Vin 2006 pour le guide Bettane Desseauve en France, et le prix prestigieux Winemakers’ Winemaker conféré par l’Institute of Masters of Wine en 2013.
Lors de la cérémonie pour celui-ci, remis pendant le salon Prowein, Draper a déclaré avec sa modestie habituelle, mais aussi avec la conviction qui a impulsé tout son travail chez Ridge: “Avoir la bonne fortune de cultiver un bon vignoble qui produit de manière régulière un bon fruit distinctif, c’est selon moi la chose la plus intéressante en ce qui concerne la production de vins fins. C’est cela qui compte, plutôt que la notion d’un vinificateur fabriquant un vin en pensant qu’il plaira aux critiques.”
Tout est dit concernant l’approche de Draper pour être au service d’un grand vignoble depuis qu’il a eu la puce à l’oreille après avoir découvert la magie du lieu de ce vignoble Monte Bello situé sur les hauteurs à 800 mètres d’altitude dans les montagnes de Santa Cruz, au-dessus de la vallée qui allait devenir par la suite mondialement connue comme la Silicon Valley. Avec le terroir distinctif de Monte Bello, l’un des rares en Californie bénéficiant d’un sous-sol de calcaire, mais également de nuits fraîches, Draper était bien servi pour réaliser des vins de grande garde.
Preuve en est sa première place dans une réédition en 2006 avec les mêmes vins issus des mêmes millésimes de la célèbre dégustation à l’aveugle organisée en France par Steven Spurrier en 1976 entre des vins californiens et français, devenue connue comme “Le Jugement de Paris” par la sentence d’un journaliste américain présent. Après la première édition il y a 40 ans, les sceptiques avaient émis le doute que les vins californiens en tête du palmarès, si bons soient-ils jeunes, puissent tenir la distance. En 1976, le Ridge Monte Bello 1971 – le troisième millésime entre les mains de Draper – s’était trouvé en place N° 5 (sur dix vins dont des premiers crus de Bordeaux). Lors de l’édition “redux” en 2006, ce même vin s’est vu attribuer la première place, ce qui n’était pas une surprise pour les amateurs connaissant bien la longévité de ce cru californien, dont le britannique Harry Waugh avait déjà fait l’éloge dans les années 70 en l’adoubant comme le “Latour de la Californie.”
La veille de son départ de son poste emblématique de PDG, Draper souligne ce trait si essentiel à la qualité de son cru Monte Bello: la constance. Tout en restant un temps comme président du conseil d’administration pour la transition, Draper fait confiance à l’équipe opérationnelle en place depuis des années, dont Mark Vernon qui prendra les commandes du groupe, secondé par Eric Baugher – récemment à Paris pour le 40ème anniversaire du Jugement de Paris – qui est promu directeur de Monte Bello et John Olney qui devient directeur de Lytton Springs. David Gates continuera comme senior vice président pour la viticulture. Comme nous rassure Draper dans une déclaration témoignant de sa générosité et de sa franchise habituelles, “Depuis 10 ans les vins sont en fait les leurs, donc vous connaissez déjà la qualité et le style des millésimes à venir.”
Eric Riewer.