A l’occasion des Foires aux Vins d’Automne nos mensuels, hebdomadaires et quotidiens fleurissent de unes les plus enjôleuses les unes que les autres. L’Express y va de sa collaboration avec le duo, plutôt l’équipe, Bettane & Dessauve, Le Point sort un spécial vins de fond avec l’inénarrable dégustateur Jacques Dupond et le Figaro va publier des conseils sur les meilleurs achats après une dégustation exceptionnelle, et toujours aussi précise, de Bernard Burtschy. Quelle joie de voir autant de journaux s’intéresser à la cause du vin. A croire que la loi Evin, et les fascistes de l’ANPAA ne sont plus qu’un mauvais rêve, placardisés par un Manuel Valls en plein ménage d’Automne (je sais, je rêve !). Que de bonheur que de voir le vin revenir sur le devant de la scène.
Mais mon côté, un rien ronchon, ne peut s’empêcher de voir le verre à moitié vide plutôt que le gosier à moitié plein. Je sais bien que les grandes surfaces représentent une part non négligeable des ventes de vins en France et qu’avec les Foires aux Vins, les vignerons jouent leur survie. Mais je ne peux m’empêcher de penser à tous ces cavistes indépendants qui voient une partie non-négligeable de leur clientèle se ruer dans ces temples de la consommation. Un peu comme si ces derniers avaient été privés pendant une année d’un achat compulsif certain, délivrés pendant un mois du carcan qui les maintenait stérile, vers un assortiment qu’aucune cave indépendante ne peut leur offrir.
Et pourtant, à y regarder de près, on s’aperçoit que les achats en grandes surfaces ne sont pas forcément de bonnes affaires. D’abord parce que les prix des vins ne sont pas moins chers que ceux des cavistes. Ensuite, parce que la majorité des vins présents en grandes surfaces ne sont pas ceux sélectionnés par les guides et les « spécial vins » des magasines. Un exemple, celui du Point. Les vins cités par Jacques Dupond (excellente sélection d’ailleurs) sont très peu présents dans les étales des Leclerc, Carrefour, Auchan ou autres enseignes.
Les vignerons qualitatifs s’imposent des rendements modestes sur des superficies modestes. Compréhensible pour l’amateur mais pour l’acheteur de grandes surfaces qui lui, doit proposer des vins à l’ensemble de sa clientèle, la logique est contre productive. Les Grandes Surfaces, mettent l’accent sur les régions connues et reconnues, le bordelais et la bourgogne, même si cela tend, un peu, à se modifier pour obtenir des remises quantitatives importantes. De fait, les vins de négociants (souvent très bons) ou des caves coopératives sont privilégiés au détriment de la diversité de l’offre et puis parce que de nombreux vignerons ne souhaitent pas vendre à la GD, arguant que le méchant capitalisme ne serait être client chez eux. Futile…
Quant à moi, si je ne suis absolument pas contre les Foires aux Vins, je ne peux que vous conseiller d’aller visiter votre caviste indépendant, celui qui vous connaît et vous supporte toute l’année, car son moral n’est pas souvent au beau fixe en cette période de forte concurrence. C’est dans les moments difficiles que l’acte d’achat militant prend tout son sens.
Historiquement, les foires aux vins permettaient aux consommateurs avertis d’acheter des grands crus de Bordeaux à des prix intéressants. Les centrales d’achats, achetant en gros durant les primeurs, ressortaient les vins lors de la livraison à des prix économiquement attractifs. A tel point que de nombreux négociants bordelais et alentours se ruaient dans les rayons pour acheter les stocks des Carruades, Fort de Latour ou autres Grands Crus Classés. Il est désormais bien loin le temps où Bordeaux acceptait de vendre des Primeurs moins chers que lors de la livraison. L’offre s’en ressent, elle met désormais la focale sur des vins plus abordables, moins clinquants, tout aussi qualitatifs pour certains et beaucoup moins chers.
Ce qui me réjouit, finalement, dans les foires aux vins, ce sont les tirages importants des magazines. Une information, que je n’arrive pas à vérifier, stipule que le « Spécial Vins » du Point est le plus gros tirage de l’année. Je veux bien le croire car mon libraire a mis le paquet cette année avec tête de gondole et autres gaudrioles pour vendre le produit. Si cette information est avérée, cela montre l’intérêt des lecteurs pour le vin, pour l’achat de vins, pour l’information sur le vin. Je ne peux que m’en réjouir.
Ne soyons pas trop utopistes et affirmons aussi que ces magazines réalisent des « spécial vins » pour la publicité que cela génère et les rentrées d’argent importantes qu’ils encaissent au passage. Mais c’est la vie et si cela doit financer des jobs de critiques à plein temps, je n’y vois aucun inconvénient.
Mais si l’intérêt du lecteur pour la culture du vin est aussi important pourquoi des magazines comme la RVF, Vignerons ou Terre de Vins ne tirent qu’à si peu d’exemplaires ? Pourquoi la presse vin en France est-elle aussi moribonde ? Il s’agit là d’un fait que je ne m’explique pas. L’intérêt des consommateurs semble grandir au moment des Foires aux Vins, pensant que les prix seront les meilleurs, les sélections les plus denses et les plus abouties, le moment d’achat idoine, pour redescendre aussi sec lorsque les chapiteaux ferment leurs portes. Pourtant, tout au long de l’année, en vente directe ou chez les cavistes indépendants, les affaires sont souvent plus intéressantes et les conseils toujours (ou presque) avisés.
Par expérience, je me méfie des conseils dans les Grandes Surfaces. J’ai été étudiant, et j’ai participé à ce grand barnum. En stage, payés au lance-pierre, nous ne devions pas dire que nous étions étudiants mais responsables du rayon vin et/ou conseillers en vin. Nous n’y connaissions rien et sur notre dos de jeunes utopistes, les sociétés de placement et d’actions commerciales se faisaient un maximum de blé. Et les Grandes Surfaces, elles, complices ou pas, n’y voyaient rien à redire. Nous sommes très loin de l’esprit de proximité, de conseil, de passion que doit délivrer le monde du vin.
Alors, si vous souhaitez acheter du vin en Grandes Surfaces, que rien ne vous en empêche, mais SVP soyez sympathique, militant et actif et pensez à votre caviste indépendant, c’est le maillage de notre territoire et la survie du commerce de proximité et de centaines de vignerons qui est en jeu.