Photo : Steven Spurrier à Paris devant sa cave.
C’est une grande personnalité du monde du vin qui vient de disparaitre, peu après minuit le 9 mars 2021, dans sa maison de Bride Valley.
Si le travail dans le monde du vin de Steven Spurrier est très vaste, bien plus vaste que le pensent certains, il sera à tout jamais connu et reconnu comme l’homme du « Jugement de Paris ».
Avant cela, il suivit des études d’économie à la London School of Economics. Mais c’est grâce à son héritage qu’il put vaquer, sans souci du lendemain, à ses deux passions : l’art et le vin. Comme il l’a écrit dans son autobiographie, le chèque de 5 millions de livres qu’il a reçu avec son frère en héritage « a commencé à lui glisser des doigts » pour divers projets.
L’un d’entre eux fut, dans les années 1970, la Cave de la Madeleine, qui devint très vite une référence dans les milieux britanniques de la capitale française et même chez les Français qui cherchaient des vins sortant de l’ordinaire. C’est avec lui que Michel Dovaz puis Michel Bettane découvrirent de nombreux vins. Son amour du vin, sa gentillesse et son enthousiasme permirent à de nombreux vignerons de trouver une écoute attentive, un caviste aidant et un amateur érudit.
Plus tard, il fonda l’Académie du Vin (Michel Dovaz et Michel Bettane y donnèrent des cours) et organisa de nombreuses dégustations thématiques mettant en avant son sens de la pédagogie à une époque où le vin ne s’apprenait pas. Avec sa directrice, Patricia Gastaud-Gallagher, ils eurent l’idée d’organiser, en 1976, une dégustation de vins californiens. L’objectif était de faire découvrir les vins californiens aux journalistes et cavistes parisiens. Mais la veille de la dégustation, Steven Spurrier eu la sensation que les Français ne seraient pas très « fair play ». Alors il organisa une dégustation à l’aveugle. Résultat : les vins californiens gagnèrent devant les plus grands vins français. Cette dégustation fut nommée « Le Jugement de Paris » et fit connaître Steven Spurrier à travers le monde. Même s’il y a beaucoup de choses à dire sur l’organisation et le choix des millésimes, ce résultat eut des répercussions majeures. Une révolution copernicienne en quelque sorte puisque le monde du vin ne tournait plus autour des vins français mais découvrait le potentiel des vins dits, à tort, du « Nouveau Monde ».
Une fois rentré à Londres, il s’essaye au journalisme. En 1993, le magazine Decanter lui ouvre ses colonnes. Pour le média anglais, il fera le tour du monde, assistera aux très nombreuses dégustations à Londres et créera, en collaboration avec Sarah Kemp, les Decanter World Wine Awards en 2004. Sa connaissance des vins internationaux et son réseau permirent de faire de ce moment de l’année, un véritable succès commercial.
Mais son oeuvre la plus emblématique, celle qui lui tenait surement le plus à coeur, est son vignoble dans le Dorset. Avec son épouse Bella, il créa Bride Valley lors de l’hiver 2008-2009. Son premier millésime fut 2011 et depuis lors il n’avait de cesse de promouvoir sa nouvelle passion pour la viticulture et les vins anglais produits sur les calcaires kimméridgiens du sud du pays.
Son livre de mémoires, « A life in wine », uniquement publié en anglais, est une anthologie romantique pour tout amateur de vin. Un titre révélateur pour un homme qui a vécu totalement par et pour le vin. RIP M. Spurrier.