Encore une fois, la nature va décider de ce millésime. Démarré sous de bons auspices avec un hiver assez froid, mais peu irrigué, il s’annonce catastrophique en quantité après le passage d’une période de gel intense, avant finalement de reprendre espoir avec les fortes chaleurs de juin puis le temps, certes maussade pour les adeptes des cotes atlantiques, mais tout de même chaud dans les terres. Des nuits chaudes, de l’humidité aussi, sont les éléments d’une précocité avérée. Guillaume Pouthier, du Ch. Les Carmes Haut-Brion, relève sur ses stations météo des indices encourageants quant aux températures. Plus élevées que la moyenne de ces dix dernières années (diurnes et nocturnes), elles l’encouragent à vendanger tôt. Et comme indiqué dans un précédent article, il semble que cette « prise de risque » soit un facteur gagnant.
Mais voilà, le weekend du 9/10 septembre fut morose. Les températures chutèrent dans la semaine et la pluie arriva dès le vendredi. Pas des trombes d’eau, bien évidemment, mais suffisamment pour faire craindre un début de propagation fongique.
Alors il faut attendre et croiser les doigts. Fort heureusement, les températures basses vont ralentir l’effet du mauvais champignon. Espérons-le.
Cet épisode va, pour sûr, mettre en relief les stratégies de vendange de chacun. J’espère que comme en 1964, il n’y aura pas ceux qui ont vendangé avant la pluie et ceux qui ont vendangé après…car cela serait une catastrophe vue la quantité de raisins encore sur pieds.
Quoi qu’il en soit, la maturité est là et bien là (pour les merlots, bien évidemment). L’objectif est de savoir si l’on veut s’orienter vers des raisins très murs voire compotés ou si l’on souhaite garder une certaine acidité à l’ensemble comme nous l’avions évoqué dans un précédent article.
Un exercice rendu difficile par l’hétérogénéité des baies. Si les baies de première génération, (celles non touchées par le gel) sont parfaitement à point, celles de deuxième génération, poussées après le gel et donc imparfaitement mures ne sont pas encore matures. Un casse-tête pour le vigneron qui ne peut faire la différence à l’oeil nu. Même la fameuse machine de tri optique ne peut écarter avec précision les baies jugées de deuxième qualité. Seul outil, le bain densimétrique qui est un mélange d’eau et de sucre et qui élimine, par gravitation, les raisins en dessous d’un certain degré alcool.
Mais là encore, le tri risque de s’avérer fastidieux tant le gel a réduit les quantités. Devoir évacuer des baies théoriquement bonnes, mais pas assez pour la qualité envisagée, c’est toujours un crève-coeur.
Et n’oublions pas que les vignerons les plus touchés à Bordeaux ne sont situés sur les meilleurs terroirs. Encore une fois, ce sont les plus modestes qui vont devoir faire des efforts qualitatifs, trier, augmenter drastiquement les couts de production pour afficher un prix que le consommateur voudra identique.
Définitivement, le métier de vigneron n’est pas un long fleuve tranquille…