S’il y a une appellation dans le Rhône du sud qui a le vent en poupe hors des sentiers battus des locomotives comme Châteauneuf-du-Pape, c’est le Ventoux, paradis des cyclistes. Que de chemin parcouru depuis son accession non pas sur les 1 912 mètres du Mont Ventoux mais au statut d’AOC en 1973. Il s’agit d’une appellation énorme, s’étalant sur 51 communes du département du Vaucluse avec quelques 6 000 hectares de vignes. Ses multiples aires de production ont évidemment des profils très diversifiés, et pareil pour ses vins, ce qui dilue sa force “identitaire” sur le plan médiatique et sa reconnaissance parmi les consommateurs. Plus de 80% de sa production passe toujours par les coopératives.
Or ses atouts sont réels, allant des prix plus modestes aux poches de terroirs plus frais en altitude qui permettent de faire face à la problématique des alcools grimpants qui frappe la production rhodanienne. Depuis quelques années, suivant le sillage des premiers sprinters vers la qualité comme le Domaine de Fondrèche et Château Pesquié, de nouveaux domaines ou acteurs ont rejoint le peloton des grimpeurs.Tout près du village St. Pierre de Vassols, l’entrepreneur Luc Guénard apporte un nouveau souffle au Château Valcombe depuis sa reprise du domaine en 2009. Du côté de Crestet, Nicole Rolet, connue pour sa passion et son soutien pour le cépage grenache, déploie toute son ambition au domaine Chêne Bleu. Domaine Mur-mur-ium et Vindemio font partie aussi des producteurs vraiment distinctifs. Plus iconoclaste est le très confidentiel Domaine Olivier B et ses cuvées Les Amidyves.
Comme la région attire beaucoup d’étrangers, surtout britanniques et scandinaves, il n’est pas étonnant de les croiser parmi les vignes. Les vins réalisés par l’écossais James King depuis 2003 près du village Malemort du Comtat au Château Unang ont rejoint les meilleurs de l’appellation. Même un norvégien, Even Bakke, a trouvé son confort dans la fraîcheur des 400 mètres d’altitude qui distingue le secteur du village Le Barroux où il a fondé Clos de T (anciennement Clos de Trias).
Or, nos deux grands coups de coeur lors d’une tournée dans la région cet été 2016 viennent d’ailleurs, avec des vins qui étonnent par la finesse, la fraîcheur et la précision du fruit ainsi que par la suavité des tanins.
Le premier est d’autant plus remarquable du fait que le vin est issu d’un millésime compliqué dans toute la région, 2014, mais aussi d’un domaine qui s’est lancé cette même année seulement. Il s’agit du Domaine Dambrun, créé à partir d’une propriété près du village Caromb reprise par Patrick Chêne, ancien journaliste sportif de France 2 (et spécialiste du Tour de France dont une étape essentielle est souvent le Mont Ventoux). Conseillé par l’excellent Jérôme Bressy du domaine Gourt de Mautens à Rasteau, Chêne pratique une viticulture biodynamique sur un site doté de sols argilo-calcaires qui a bénéficié avant même son arrivée d’une approche bio. Le 2014, son premier vin commercialisé, est épatant, tout en finesse et gourmandise, avec un fruit rouge suave complexifié par une touche réductive au départ qui s’estompe, tout en gardant une profondeur de saveur et une fraîcheur exemplaire. La qualité des tanins est tout aussi impressionnante. Un très beau début pour Dambrun.
En ce 14 juillet Nous attribuons le maillot jaune à un français, qui à notre sens domine le sommet de la qualité dans cette région vallonnée. Il s’agit d’un autre iconoclaste sans passé viticole, le très enthousiaste et enthousiasmant Philippe Gimel et sa marque Saint Jean du Barroux.
Après l’obtention du diplôme en oenologie et des stages à Châteauneuf-du-Pape (Beaucastel et La Janasse) mais aussi dans la Loire (Père-Bise), Gimel a monté un projet ambitieux en 2003 pour se faire attribuer par SAFER (Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural) l’exploitation d’un site de toute beauté sur des sols argilo-calcaires en altitude avec en plus une exposition nord pour renforcer la fraîcheur du fruit récolté. Depuis il a récolté non seulement de beaux raisins mais aussi un succès international qui reste pourtant confidentiel en France. Il est temps de découvrir ses vins qui sont confondants dans le contexte de cette appellation Ventoux, connue autrefois pour une certaine rusticité dans les tanins. Ses trois cuvées de rouge, La Source, L’Argile, et la Pierre Noire, représentant une déclinaison grandissante en puissance – obtenue moins par la maturité différente de raisins que par la taille des raisins utilisés – expriment un fruit d’une gourmandise profonde, mais aussi un caractère subtil qui en font des vins de méditation. Salut l’artiste.
Eric Riewer.
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